S’exprimer avec le kolam : dessiner et partager

Dans l’article « Kolam Hindu Earth Graffiti as Land Art” de Zahra Rahbarnia et Pinky Chadha, publié en 2015 dans la revue Bagh-e Nazar, les auteurs concluent que le kolam fait partie du New Land Art (NLA). Les arguments de ce papier seront exposés ici. Pour plus d’informations sur le NLA, vous pouvez vous référer à mon dernier post instagram.

A partir d’une remarque sur l’efficacité du kolam sur son audience, propre au NLA, je me demande : comment le kolam arrive-t-il à être aussi efficace sur son public ? Enfin, les auteurs écrivent que le kolam n’utilise pas de nouveaux médias, contrairement au NLA. Pourtant, d’autres recherches montrent une utilisation de nouveaux médias dans la pratique du kolam. Revenons d’abord sur ce qui fait du kolam un NLA.

Les 5 caractéristiques qui font du kolam du New Land Art

Le kolam fait passer de nombreuses informations, il est un moyen de communiquer avec le monde divin et le monde social. Il cherche à s’accorder les bons auspices de la déesse Lakshmi en particulier, qui est la déesse de la bonne fortune. Dessiné dans la rue, il souhaite la bienvenue à qui entrerait dans le foyer, il donne l’information que le foyer se porte bien. C’est aussi un moyen, pour la femme qui dessine, d’exprimer sa créativité, de laisser parler son rythme corporel (Anna Laine 2013, « Kolam patterns as materialisation and embodiment of rhythms », Anthrovision)

C’est un art qui utilise majoritairement des matériaux naturels, à savoir de la poudre de riz ou de chaux. Une fois cette poudre déposé sur le sol, elle nourrit les fourmis et autres petits insectes. Il faut tout de même noter, que de plus en plus les matériaux ne sont plus naturels, la poudre blanche est parfois remplacées par des poudres acryliques colorées.

Bien qu’un rejet réel des musées ne soit pas constaté, les artistes n’exposent pas leurs œuvres derrière le cordon rouge.  

En foulant délibérément ces dessins, les passants veulent recevoir les bénédictions du kolam. De manière évidente, les kolams sont effacés par les passants et disparaissent peu à peu. C’est bien un art temporaire, transitoire, d’ailleurs le motif du kolam change tous les matins.

 Le kolam est refait chaque matin, à moins que le foyer connaisse un grand malheur (deuil…). Avant les premiers rayons du soleil, les femmes répètent ce geste, elles créent un nouveau kolam.

« An high effectiveness on the audience » (Rahbarnia et Chadha 2015)

Dans leur article, les auteurs insistent sur le fait qu’il très facile d’interagir avec le kolam en tant que public/participant. Selon eux, la culture hindoue a créé les conditions nécessaires pour que le kolam soit facilement interprétable par le public. Son historicité et ses significations socio-religieuses seraient assez fortes pour que le kolam soit rapidement analysable par le spectateur. Ainsi, le public est « naturellement » invité à interagir, il devient alors un participant. Les auteurs expliquent que l’efficacité du kolam soit plus forte que les autres œuvres du NLA, car il est pratiqué dans les rues des villes, contrairement aux autres qui sont réalisées dans des endroits plus difficiles d’accès.

Le document de travail « Kolam as Infographics » de Lisa Susan Abraham et Biju K Chacko (2017), fournit d’autres éléments pour mieux comprendre le pouvoir du kolam sur son audience. Ils s’intéressent à savoir ce qui fait du kolam un bon support pour communiquer des informations (sociales, culturelles, religieuses, mathématiques, artistiques, etc.). Ils dégagent trois points clefs, repris à Lankow, Richie et Crooks dans Infographics : The power of visual storytelling (2012). En communiquant sur le divin, la société et son moi intérieur, le kolam est un art qui attire, facilement reconnaissable donc et qui a de nombreuses significations. L’analyse de l’œuvre donne au spectateur de nombreuses informations, qui lui permettent de mieux comprendre le kolam. Enfin, le kolam est une pratique qui se maintient dans le temps : à l’échelle d’une vie il permet à l’artiste de réaliser un storytelling (selon les situations), mais c’est surtout une pratique qui se transmet de générations et ce depuis des centaines d’années.

Le kolam et les nouvelles technologies

A la lecture de Rahbarnia et Chadha, j’étais intriguée que les auteurs ne considèrent pas l’utilisation de nouveaux médias dans la pratique du kolam. En effet, l’une de mes premières portes d’entrée sur la communauté du kolam, s’est faite sur les forums et différents sites parlant de la culture tamoule. J’étais d’autant plus interloquée, puisque dans le papier sont présentes de nombreuses images provenant de sites web. D’après ces quelques éléments, le kolam se diffuse aussi sur le web, notamment sur des forums (kolamofindia.com) ou sur youtube, où l’on peut trouver des montages vidéos de compétitions de kolam, par exemple.   

Ensuite, moins par soucis de diffusion que de compréhension, le kolam a été largement théorisé en informatique pour mieux saisir les algorithmes qui sous-tendent cet art. D’ailleurs Rahbarnia et Chadha citent les travaux de Timothy Waring « Sequential encoding of Tamil Kolam patterns » (2012), qui permettent de créent par ordinateur des kolam. Waring s’appuie de plus sur d’autres travaux, notamment ceux de Yanagisawa et Nagata « Fundamental study on design system of Kolam pattern » (2007), qui informatisent aussi la création des kolam. C’est bien un art qui utilise de nouveaux médias, en diffusant des photographies de kolam sur le web, mais aussi de nouvelles technologies, comme en témoigne sa récente informatisation.

Conclusion

Ce n’est donc pas la littérature qui manque pour plaider la cause du kolam en tant que NLA. Il faut aussi noter l’apport d’une approche en sciences de l’information et de la communication, qui traite le kolam comme de l’infographique, c’est-à-dire un dessin qui facilite la communication d’informations. Cette deuxième perspective permet de mieux comprendre son efficacité en tant que NLA, à faire participer son audience. Enfin il ne faut pas négliger en sciences sociales, le caractère mathématique du kolam. Ces savoirs mathématiques associés au kolam sont des informations comme les autres. Dans le cas présent, ils donnent un nouvel axe sur le développement d’une pratique artistique.

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