Vulgariser les ethnomathématiques…

Vulgariser les ethnomathématiques…

La plupart des personnes à qui je demande si elles aiment les mathématiques font la grimace et me répondent : « j’ai toujours été mauvais en maths », « j’ai jamais rien compris ». Ou parfois : « Dès que l’on m’a parlé de x et de y j’ai abandonné ».

Mais, il y a bien des personnes qui aiment et trouvent du plaisir à faire des maths. Dans cet échantillon on retrouve ceux qui, loin de s’amuser à apprendre les décimales de Pi, confèrent-un sens à leur pratique.

Un cas : l’origami

C’est le cas des plieurs de papier, plus communément appelé origamistes. Dans une première enquête, j’ai montré comment les clubs d’origami étaient le lieu d’une circulation des savoirs mathématiques. Le langage de l’origami renvoie à des concepts mathématiques, par exemple il faut plier une diagonale, réaliser la trisection d’un angle, ou appliquer un algorithme. Cette enquête était particulièrement enrichissante car, en pliant des origamis avec un collégien, j’ai ajouté une dimension pédagogique à cette pratique. Comment les connaissances mathématiques de l’origami sont intégrées aux savoirs scolaires du collégien ?  Cela fait partie de ce qu’on appelle les ethnomathématiques.

Kolam et ethnomathématiques

Qu’est-ce que les « mathématiques » en temps normal ?

En France et en Occident plus largement, les programmes scolaires ont une approche formelle des mathématiques. Sauf que tout ce qui fait partie des mathématiques occidentales fait aussi partie d’une certaine histoire. Celle-ci débute il y a 5000 ans en Mésopotamie en connaissant de multiples échanges culturels avec la Grèce, l’Inde, la Chine, l’Egypte etc. Les mathématiques occidentales bien qu’elles soient vues comme supérieures, sont donc des ethnomathématiques. Il n’y a pas de vraies mathématiques d’un côté et des ethnomathématiques de l’autre.

Le cas du kolam

D’ailleurs, il existe une pratique moins formelle des mathématiques, comme dans les clubs d’origami… et dans la pratique des kolams en Inde. Ces dessins réalisés avec de la farine de riz sur le seuil des maisons, souhaitent la bienvenue, protègent le foyer et indiquent aussi l’humeur générale. Plus le foyer est heureux, plus le kolam sera grand. Les femmes créent le kolam le matin, elles prennent le temps d’allier une dimension artistique à une certaine logique du dessin. En effet, les kolams sont des figures géométriques plus ou moins complexes. Dans un pays avec une forte séparation entre les sexes/genres, cette pratique informelle des mathématiques est laissée aux femmes, qui se transmettent ces connaissances de génération en génération. Tandis que pour être reconnu comme faisant des mathématiques, il faut avoir appris les mathématiques formelles à l’université. Tout en sachant que le taux d’accès à l’université pour les femmes reste inférieur à celui des hommes.

Un exemple de “sikku kolam”. Le forum kolamsofindia.com montre de nombreux autres types de kolam !

Ma démarche et mon possible apport

Le kolam a déjà était longuement traité comme objet mathématique et ce dans de nombreuses études comparatives avec les dessins au Vanuatu ou des dessins géométriques en Afrique. Il a aussi été étudié comme un art à part entière. Mon travail interroge plutôt, en deux parties : quelles logiques sociales les mathématiques du kolam permettent-elles d’encoder ? Et comment ces mathématiques sont-elles incorporées, intégrées par les pratiquantes ?

L’un des grands buts de cette recherche étant pédagogique, je me demande aussi : l’apprentissage du kolam pourrait-il s’adapter ou non à l’enseignement des mathématiques multiculturelles ?

Conclusion

Il y a donc de multiples façons d’entrer en mathématiques, et elles ne sont pas automatiquement proposées dans l’enseignement des mathématiques occidentales. Ces autres voies peuvent sembler plus ludiques, plus « faciles » ou susciter de l’émerveillement. C’est cette « magie » des mathématiques que je trouve importante de mettre en valeur. En effet, les mathématiques ont bien quelque chose de magique dans ce qu’elles expliquent des situations qu’on ne comprend pas toujours.

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